Monsieur le Ministre où sont nos 200000 emplois ?

Article : Monsieur le Ministre  où sont nos 200000 emplois ?
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10 juin 2016

Monsieur le Ministre où sont nos 200000 emplois ?

 

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Monsieur le Ministre de l’emploi et de la formation professionnelle 


 

Monsieur le ministre,  après tant d’hésitations et de réflexions,  je me  permets de vous adresser cette lettre pour vous faire part de mon scepticisme et de mes doutes concernant le rapport annuel sur les créations d’emplois.

Capture d'écran du site d'information 360
Capture d’écran du site d’information 360

En effet M.  le Ministre, j’ai lu ce rapport dans lequel votre département et ses démembrements peignent un tableau assez reluisant de la situation de la jeunesse malienne dans le domaine de l’emploi avec comme taux de réalisation des 200.000 emplois en 5ans  promis par le chef de l’État lors de sa campagne en 2013,  58,19% à la date du premier trimestre 2016.

À lire ce rapport on croirait que l’emploi se créé à  gogo,  que les opportunités se multiplient , tant dans le secteur formel qu’ informel,  et que  le programme de création des 200 000 emplois,  qui a motivé  plus d’un jeune à soutenir le président Ibrahim Boubacar KEITA  serait sur une bonne voie .

Toutefois,  M. le Ministre,  laissez moi vous dire que cette situation d’autosatisfaction que vous affichez,  est peut-être assez flatteuse pour le pouvoir mais  ne reflète aucunement ce que vivent les jeunes du Mali. 

En termes d’emploi, M. le Ministre,  les jeunes n’ont rien vu et ils continuent à  réclamer des conditions meilleures .

Une affiche collée en 2015 dans les grandes artères de la ville de Bamako par un collectif de jeunes sans emplois pour interpeller le président IBK
Affiche collée en 2015 dans les grandes artères de la ville de Bamako par un collectif de jeunes sans emplois pour interpeller le président IBK

Et même si c’était le cas et qu’effectivement le taux de création de 58, 19% des 200.000 emplois en 5ans  était réel, je me permets M. le Ministre de vous faire un petit rappel: 

Au Mali,  chaque année,  entre 100 000 et 200 000 jeunes arrivent sur le marché de l’emploi, donc vous comprendrez que les 200.000 emplois que vous avez promis aux jeunes et que vous peinez à réaliser n’est en réalité qu’une aiguille dans une botte de foin.

Je ne comprends donc pas votre enthousiasme. 

Une Sotrama

Hier,  assis dans une #Sotrama,  j’espère M. le Ministre que vous connaissez, ce moyen de déplacement ? 

Ces mini-cars de couleur verte qui font la navette entre les différents quartiers de Bamako et dans lesquelles, les passagers sont entassés comme des esclaves  dans un bateau,   à l’époque coloniale, moyen de transport généralement utilisé par nous autres  les moins nantis. 

Dans cette Sotrama,  une femme âgée se plaignait du fait  que ces quatres garçons ont fini les études depuis des années et qu’ils traînent toujours à la maison. Par désespoir de cause,  deux s’apprêteraient à rejoindre l’Espagne via la Libye par les moyens que vous savez (clandestinement).

Naufrage d'un bateau de migrant
Naufrage d’un bateau de migrant

Dans cette  voiture où l’apprenti,  à peine âgé d’une quinzaine d’années ne cessait de me crier à  l’oreille sous ce soleil de plomb avoisinant les 40° ‘‘ Garantibougou, À Railda directi é be ta wa’(¹),  la dame reçu beaucoup d’encouragements de la part des autres passagers, qui  lui suggérant  de tout mettre en oeuvre pour faciliter le départ de ses enfants car disent-ils,  » au Mali il n’y a pas d’emplois et même quand il y en a,  c’est pour les enfants de riches ».

J’ai un moment voulu intervenir dans le débat pour faire entendre raison à la pauvre dame mais je me suis vite rendu compte que j’étais à court d’arguments pour convaincre cette mère  de dissuader ses enfants de se porter candidats au suicide sur les côtes libyenne.

Ayant fait face moi même,  après la fac à des difficultés, je me souviens  du parcours de combattant,  de la galère que j’ai dû emprunter,  mais surtout je me suis souvenu de tout ses amis qui ne cessent de trimer jours et nuits pour s’en sortir mais sans grand succès: on me dira qu’ils sont paresseux. 

Ils ont été à tous les concours M. Le Ministre, je me souviens encore de ces nuits blanches qu’ils ont,   l’an passé,  fait pour pouvoir seulement déposer leur dossier de candidature  au recrutement de  L’INPS,  ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.   Je pourrais   en citer davantage  encore et encore…

À l’image de cette  » pauvre  »  dame,  nombreuse M. le Ministre sont les mères et pères de famille qui ne savent plus à quel saint se vouer afin que leur progéniture puisse décrocher un job. 

Des jeunes faisant la queu pour le dépôt de leur dossier au recrutement de l'INPS en 2015
Des jeunes faisant la queue pour le dépôt de leur dossier au recrutement de l’INPS en 2015

Les jeunes diplômés lassés de faire le tour de Bamako à la recherche souvent d’un simple stage de perfectionnement,  qu’ils ne pourront jamais décrocher sans avoir  »Un bras long » ou à défaut  » Connaître quelqu’un qui connaît quelqu’un »,  sont réduits à fuir le pays, s’ils ne deviennent pas aux yeux de la société des fainéants qui à longueur de journée passent leur temps dans les  » grins » à siroter du thé vert de Chine.

Image prise sur Maliactu.net
Image prise sur Maliactu.net

M. le Ministre,  même le programme de volontariat de l’Agence pour la  Promotion de l’Emploi,  pour l’avoir il faut militer dans un parti de la majorité présidentielle. Je ne vous apprend rien…

M. le Ministre,  la jeunesse se sent aujourd’hui abandonnée, déshéritée voir trahie.

Nous osons espérer que dans les jours à venir, des mesures idoines seront prises afin de redonner de l’espoir à cette jeunesse déboussolée, c’est seulement en ce moment que nous pourrons apprécier vos efforts,  si effort il y a. 

J’espère aussi que vous ferez remonter l’information,  au Boss de Koulouba (le président de la République) , afin qu’il ne dise pas demain que ses collaborateurs lui mentent et qu’il se mette encore à pleurer comme à Koutiala, lorsque les enfants lui ont réclamé de l’électricité pour pouvoir apprendre leurs leçons.

M. Le Ministre,  je m’en vais m’arrêter là tout en vous souhaitant un bon mois de ramadan. 

Dans l’attente d’une amélioration rapide des conditions d’accès au travail des jeunes, je  vous prie, Monsieur le Ministre,  de bien vouloir agréer l’expression de mes sentiments les mieux distingués. 

(¹) La voiture va  directement  à  » Railda »(centre ville) de Bamako,  est-ce que vous y allez ?

Phrase que les apprentis de Sotrama,  répètent à longueur de journée tout en restant assis ou arrêtés à la porte du véhicule.

 

 

 

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