mamadouben

Et si on effrayait nos galères ?

Récemment, Sur Facebook, une publication dont j’ignore l’auteur a attiré mon attention. Elle disait ceci : « Djo, lève-toi un jour, habille-toi en costume, va discuter le prix d’une voiture et revient chez toi. Souvent, il faut effrayer la galère. C’est important. « »

Nouvelle année, nouvelle résolution

A première vue, elle fait rire. D’ailleurs ce n’est pas moi qui, empêtré dans une galère matinale, due au mouvement de grève dans les métros, allait bouder mon plaisir. Et ne pas laisser les traits de mon visage se déformer pour faire place à un soupir, lorsque je l’ai lu. A bien y réfléchir, au delà de cet aspect drôle, cette publication cache une belle leçon: celle qui consiste à faire face à sa peur, à l’accueillir, à la dompter et enfin à la transformer en allié.

L’année 2019 tend inexorablement vers sa fin. Bientôt, sur les fils d’actualités , nous lirons un flot de résolutions pour la nouvelle année. Le plus important à mon sens, ce n’est pas forcement d’en prendre. L’idéal, c’est qu’à l’heure du bilan, nous soyons à même de dire que nous avons atteint nos objectifs. Et que ceux-ci ont concouru à l’amélioration de notre condition de vie.

Il en sera de même pour les bilans. Nous verrons aussi certaines personnes faire le bilan de l’année, qui tend à se conjuguer au passé. Face donc à l’égrenage du chapelet de leurs succès, ne nous laissons pas influencer par une comparaison qui risque de brimer notre moral… Et nous rendre envieux de ce que nous n’avons pas. En réalité ce n’est pas à eux qu’il faut se comparer. Celle qui mérite toute notre attention, celle à qui nous devons nous comparer, celle que nous devons défier est cette galère évoquée dans la publication trouvée sur les réseaux sociaux.

Vaincre sa galère

Nous traînons tous, avec nous, des galères. Certains parviennent à dompter les leurs et en triomphent. Quand d’ autres s’en laissent handicaper et les portent comme un fardeau. Alors que bien souvent, il leur suffit juste de l’effrayer pour la voir prendre la poudre d’escampette. Et laisser place au succès. Mes galères à moi, elles m’ont choisi bien des fois. Mais souvent, c’est plutôt moi qui les choisissais. Cependant, qu’elles nous choisissent ou que nous les choisissions, nous devons nous en foutre royalement. Et y faire face avec dextérité jusqu’à ce qu’elles s’inclinent.

La galère, comme beaucoup l’imagine peut être pécuniaire. Mais pas que… Elle peut aussi revêtir d’autres formes. A titre illustratif, elle peut être l’incapacité à discerner. Ou disons, l’incompétence à être à la hauteur d’une tâche que nous nous sommes assignées. Je m’explique : Ces derniers temps, nous avons vu émerger une pléthore d' »analystes 2.0″. Toujours promptes à faire tantôt des analyses géopolitique, militaire ou économique. Alors qu’ ils n’ont jamais été dans une école spécialisée pour pouvoir démêler le faux du vrai. Pourtant, ils bénéficient d’oreilles attentives d’une certaine masse. Par exemple, à l’annonce de l’abandon du Fcfa au profit de l’ECO, nombreux sont mes contemporains qui sont passés d’analystes en stratégies de guerre asymétrique à analystes en économie et en histoire. A la lecture de leur réflexion, on se rendait rapidement compte de la superficialité de leurs argumentations, qui frôlaient parfois la démagogie.

Dans un tel exercice, la galère qu’il faut affronter est le temps accorder à la recherche. Pour être plus crédibles, il leur fallait, à défaut d’avoir bénéficié de la formation nécessaire, lire les articles scientifiques et toute documentation nécessaire afin d’éviter de tirer des conclusions hâtives qui auront tendance à les décrédibiliser au près de leur audience.

La galère, un état d’esprit ?

Oui, nous pouvons dompter nos galères à condition de bien les identifier et de s’en donner les moyens. Je vois déjà certains sceptiques , s’écrier « c’est impossible » ou « c’est trop idéaliste ». A eux je répondrai, que tout ce que nous voyons comme bonheur chez les autres n’est pas forcement ce que nous croyons. Car le bonheur, comme nous l’imaginons dans nos rêves, n’existe pas. Ou du moins, existe juste par la volonté et la détermination d’une personne de se départir des obstacles et autres contraintes pouvant nuire à la jouissance de son bonheur afin de profiter plutôt pleinement de sa victoire sur sa galère. Vous l’aurez compris, le bonheur est aussi un état d’esprit. Chaque personne heureuse créée d’abord une illusion de joie qui, au fil du temps, finit par éclairer sa vie et dont les autres aperçoivent l’éclat.

Pour vaincre donc sa galère, il faut également être mentalement prêt. L’action de choisir une veste, de la porter et de se diriger vers la boutique de vente de voiture, s’inscrit dans cette logique de se forger un mental de vainqueur. Ceux chez qui nous voyons le bonheur sont des personnes qui ont accepté de challenger leur galère, et qui on su nous renvoyer cette belle image après leur victoire.

Récemment, en mission à Abidjan, nous nous sommes rendus, un soir, dans le restaurant de notre hôtel pour dîner. En face de nous, un groupe de jeunes constitué majoritairement de jeunes dames, avait réservé plusieurs tables. Très vite, j’y focalisais toutes mes attentions. D’après ce que j’ai pu comprendre, il s’agissait de jeunes entrepreneurs ou aspirants.

Si la plupart, d’après les présentations que j’ai pu suivre, venaient de retourner au pays, certains n’avaient jamais franchi la frontière . Ils leur était interdit durant toute la soirée d’évoquer leur vie familiale. Celui ou celle qui venait à ne pas respecter cette loi ou qui arrivait en retard devait mettre 5.000 Fcfa dans la caisse. Leur objectif était de se côtoyer, de partager leurs expériences et de bâtir une communauté d’entraide. Ils s’étaient fixés des règles qu’ils se forçaient à respecter bien que cela semblait demander d’énormes efforts pour certains.

Auparavant, pendant la même journée, lorsque nous nous rendions sur notre lieu de formation, nous avons croisé d’autres jeunes un peu plus âgés que ceux du restaurant . Ceux-ci ne se réunissaient que pour courir derrière les véhicules afin d’ouvrir la porte et supplier les occupants, parfois des personnes beaucoup moins âgées qu’eux, de leur donner de quoi se dépanner. On pouvait ainsi entendre :

« Tonton, tantie, il faut faire un petit geste, s’il vous plait »

Comparaison n’est pas raison. D’ailleurs je m’interdis de les juger car je ne sais pas ce qui les a conduit à ce choix. Cependant, je reste convaincu, qu’une personne doit savoir choisir ses combats. S’il fallait choisir entre me confronter à la galère qui les a poussé à faire ce choix et entre celle du groupe du restaurant, je choisirai volontiers de m’imposer la dernière. On ne peut semer du mil et en récolter du riz.

Si jamais, l’occasion vous était offerte de choisir, votre galère, soyez ambitieux, choisissez grand. On entend souvent, à vaincre sans péril, l’on triomphe sans gloire, moi je dirai à affronter de petites galères nous ne récoltons que des bisbilles dans l’ améliorations de notre condition de vie.

La technique de Julien

Les jeunes du restaurant m’ont rappelé mon histoire. Ou du moins celle de Julien, un ami rencontré en 2017. Venu du Sénégal pour une mission à Bamako. La bienveillance de notre Directrice à l’époque nous avait permis d’être logés dans une belle villa meublée dans Quartier Bacodjicoroni. Tous les soirs, nous nous rendions dans un restaurant du quartier pour manger un bon plat d’attieké. Le prix était correct, mais un peu élevé pour notre bourse.

Ainsi vers le 20 du mois, nous n’avions plus de sous pour notre dîner. On se rabattait sur la vendeuse de bouillie de mil et de beignet du quartier. Dans cette période de galère, un jour, Julien vient au bureau tiré à quatre épingles. A sa vue, je ne pouvait pas m’empêcher de me marrer. Je lui lança en plaisantant,

 » tu attends ta période de galère pour envoyer ta fiancée devant le maire? ».

Il sourit et me répondit approximativement ceci,

«  Ben, c’est quand je suis en galère que je m’habille bien. A Dakar c’est ainsi que je faisais pour décrocher mes plus gros contrats de consultance. La galère est un état d’esprit et je ne peux m’emprisonner là dedans. Pourquoi devrais-je crier ma misère sur tous les toits alors que j’ai de beaux vêtements qui peuvent m’aider à décrocher un bon contrat.

Julien venait ainsi de me donner une leçon capitale: le lien entre le mental et la réussite.

Et si on partait effrayer notre galère ?

Julien tout comme les jeunes du restaurant, me font penser à ce passage de La voie de l’Archer de Paulo COELHO :

Rallie-toi à ceux qui n’ont jamais dit : « C’est fini, je dois m’arrêter là. » Parce que tout comme l’hiver est suivi du printemps, rien n’est jamais fini : après avoir atteint ton objectif, il faut recommencer à nouveau , en te servant toujours de ce que tu as appris en chemin.

Rallie-toi à ceux qui chantent, qui content des histoires , qui savourent la vie, et dont les yeux brillent de joie. Parce que la joie est contagieuse, et qu’elle permet toujours d’éviter aux gens de se laisser pétrifier par la dépression, la solitude et les difficultés.

Alors, les gars, au seuil de cette nouvelle année, et si ont décidait, comme nous l’invite cette publication évoquée plus haut, d’effrayer notre galère? Dans tous les cas, moi je suis déjà prêt. J’ai déjà choisi la veste qu’il faut pour aller passer la commande de ma voiture. Ayant un rapport très relatif au luxe , je n’irai pas demander le prix d’un de ces véhicules qui donne l’impression d’être très important. J’irai plutôt à Railda demander le prix de cette Sotrama qui me permettra de parcourir Bamako de fond en comble.

Bonnes fêtes de fin de galères 2020 à tou.te.s !


Confession nocturne

Alexandrie, 28 septembre 2018. Il est exactement minuit passé de 37 minutes  quand je me lance dans l’écriture de ces lignes de confession.

Je ne sais pas exactement à quoi ressemblera ce texte à la fin. Je sais juste une chose c’est que j’ai qu’une envie : écrire. Mais quoi écrire, que dire, je ne sais pas vraiment. Me confesser peut être… Mais que confesser ?

Les idées se bousculent, mais rien de vraiment structurer n’y sort…Parler de moi, de ma vie, de mes défis…Je crains que cela n’intéresse grand monde.

Peut être que je devrais plutôt parler du monde, dire ce que j’y trouve d’intéressants et ce qui me révolte mais je risque d’ennuyer bien de personnes.

Parler d’amour serait intéressant. Enfin je crois… Plus d’amours dans ce monde feraient du bien à tout le monde. De ce jeune qui en manque d’amours prête son corps comme une bombe humaine à une bande d’idiots radicaux, à cette jeune femme qui a fait couler une rivière de larmes, un soir à Paris parce que son copain venait de mettre fin à leur relation ou encore ce jeune dont l’amour pour lui-même, mis en mal par une précarité sans précédent, se jette par désespoir sur les routes de la mort se portant ainsi candidat au suicide dans la quête d’un ailleurs meilleur … Bref, sur l’amour il y a beaucoup de choses à dire et je pense que là, personne ne s’ennuiera. Mais franchement suis-je vraiment habilité à vous parler d’amour ? Moi qui aime tellement que j’ai peur d’aimer ? Je sais, c’est du charabia. Vous n’y comprenez rien. Moi non plus d’ailleurs…

Je vous propose de titrer ce texte: confession nocturne. J’espère que vous serai d’accord ?

Je suis arrivé à Alexandrie, il y a trois jours déjà. Vous savez, il y a un an que j’ai mis ma petite vie de journaliste entre parenthèse pour reprendre le chemin de l’école…Non je ne vous parlerai pas à nouveau de ma vie, j’ai pas du tout envie de vous saouler. Par contre je vous dirai, que j’ai revu la belle corniche d’Alexandrie, j’ai même été prendre un jus de citron et fumer une chicha en compagnie de Ibrahima et Jamal. Oui, il peut arriver, bien qu’il soit très rare que je m’essaie à certaines pratiques que ma génération considère comme délice bien que dangereux pour la santé.

Marquons une petite pause: mon frère est entrain de  m’écrire, pour prendre de mes nouvelles.

J’avais pensé le faire dans la journée puis je suis passé à autre chose. On me reproche souvent que je n’aime pas appeler. Pour certains c’est de l’arrogance. D’ailleurs même cette reserve qui me caractérise est souvent considérée par certains comme une forme d’arrogance aussi. Mais je puis vous assurer  que ce n’est pas fait exprès et que je suis très loin d’être quelqu’un d’arrogant. Mes proches le savent et ils m’acceptent comme tel.

J’ai dit à mon frère que je me porte bien et que j’ai réussi mon grand oral, il m’avait vu un peu stressé avant mon départ car je n’avais pas eu le temps nécessaire pour le préparer. Il m’a félicité et m’a laissé entendre que mon neveu, le plus beau au monde, demande après moi. C’est mon complice. Je ne vous cache pas qu’il me manque terriblement.

Je me sens exténué. Je ne fais que bâiller. J’ai bien envie de bosser toute la nuit. Mais le corps et la tête s’y refusent. Je vais devoir marquer une pause dans l’espoir de ne vous avoir pas trop ennuyé avec mon «PPRD », entendez par là « Parler Pour Ne Rien Dire»

Bon allez je reprends mon livre de chevet, Afrotopia de Felwine SARR , il vous faut le lire, je vous le conseille vivement.

Peut être prochainement, s’il vous vient l’envie de relire des charabias made in Mamadou Ben Moussa, vous trouverez mes confessions sur ce chef d’œuvre que m’a offert une personne FORMIDABLE.

Il est 2h10, je vous souhaite bonne nuit ou bonjour cela dépendra de l’heure à laquelle vous découvrirez ce billet !!!


Le malien a sa logique que la logique ignore

La course pour l’ascension de la plus illustre des collines du Mali  connaîtra son épilogue dans les prochaines heures avec la proclamation des résultats du second tour de l’élection présidentielle.

Au premier tour, 24 candidats étaient en liste pour briguer la magistrature suprême. Parmi eux, il y avait des caciques de l’arène politique malienne et quelques néophytes. Si l’on s’en tient à tous ce qui se racontait dans les « grins », les salons et sur les réseaux sociaux tant à Bamako que dans certaines grandes agglomérations du pays, l’alternance était évidente.

Cela dit, les plus avertis savaient que cela n’était pas possible dans un pays où la victoire aux élections est tributaire de la somme investie pour acheter des voix… et où le Président sortant dispose de beaucoup d’argent.

Mais le rêve restait permis, tant pour certains électeurs qui croyaient dur comme fer qu’une petite révolution des mentalités était possible que pour certains candidats qui se croyant investis d’une mission divine, démissionnant de leurs fonctions avec tout le privilège y afférant pour se porter candidats.

De cet économiste chevronné à la tête d’une banque panafricaine qui démissionne, ce général major de sa promotion dans une des meilleures écoles de guerre française et à la tête d’un prestigieux institut de maintien de la paix de renommée internationale en passant par ce ‘’marsien ‘’ ancien de la Nasa ou cet homme d’affaire multi millionnaire qui a voulu rééditer l’exploit d’un certain Patrice Talon du Bénin, même ce marabout charmeur… Il faut dire que cette année, en matière de casting, les maliens étaient bien servis. Ce ne sont pas les profils qui ont manqué pour permettre une véritable alternance. Mais le malien a sa propre logique que même ‘’la plus logique des logiques’’ ignore.

En lieu et place d’un soutien massif aux candidats qui incarnaient le changement, la majorité des électeurs – soit plus de 41 % – a accordé son suffrage  au président sortant, alors que quelques 17% choisissaient de soutenir le chef de fil de l’opposition.

Pourquoi un aussi grand nombre d’électeurs ont-ils opté pour l’ancien président au premier tour ?

Si pour les opposants, c’est parce qu’il y a eu bourrage d’urnes, il faut, je crois, regarder également du coté de l’avidité des électeurs maliens. Une frange partie de l’électorat malien s’est malheureusement converti en bétail électoral. Comme le musulman avec le mouton à l’approche de la fête de tabaski, les candidats s’adjugent les voix des électeurs en distribuant des billets de banques.

La nouveauté avec ces élections, c’est que ce bétail électoral a fini par comprendre qu’il pouvait mieux monnayer son vote. Si, par le passé, il fallait juste débourser la modique somme de 2000 frs CFA, désormais, les voix des électeurs maliens se marchandent autour de 20.000 Fr CFA.

Comment cela se passe ?

Tu rentres dans l’isoloir avec ton téléphone, tu prends en photo le candidat que tu as choisi et tu viens le montrer aux représentants de son parti dans la cour du centre de vote et tu récupères ton argent. L’autre méthode consiste à poser la main sur le coran et jurer de voter tel candidat : on te remet alors les 20.000 Fr CFA.

Ces pratiques que nous continuons de voir chez les électeurs au Mali et qu’on retrouve dans bien de pays d’Afrique mais en péril le jeu démocratique. Il à tendance à donner raison à ces personnes qui pensent que le continent n’est pas prêt pour la démocratie. Heureusement que la situation dans certains pays apporte un démenti à cette thèse.

Devrons-nous en vouloir aux politiques ou à cette population, qui, maintenue dans la précarité, se soucie plus de sa survie que de l’élection ?
Difficile de donner une réponse tranchée à ces interrogations, mais une chose est claire, nous avons du chemin à faire.


Formons-nous!

“​Ben, tu ne veux plus revenir ?
Mamadou, tu cherches à être savant ou quoi ?  C’est quoi cette formation qui ne finit pas?
Djo, tu fais quoi même en Égypte ?” 

Voilà en substance, les questions auxquelles je dois répondre tous les jours. Généralement, ma réponse,  après un sourire est celle-ci:

« Si je veux revenir, d’ailleurs vous me manquez,  mais il me faut renforcer mes capacités d’abord  » 

Malgré cette réponse aussi claire, si certains m’encouragent à ne pas lâcher prise et vont jusqu’à me citer en modèle,  d’autres trouvent le courage de me lancer :

 » Djo, il n’y a rien dans tout ça, tu perds ton temps et tu vas aussi perdre les opportunités et la visibilité que tu avais ici. Les relations valent mieux que diplôme…  » 

En réalité, cette attitude me fait sourire, d’autant plus qu’ils sont loin d’imaginer ce que je vis en ce moment.
Peut-être qu’ils  ont raison et que momentanément, je perdrai le peu des privilèges que je m’étais construit. Mais cela,  j’en suis convaincu, ne sera que de courte durée, l’avenir est tellement prometteur…

Le drame de ma génération, c’est qu’on aime moisir dans notre confort, sans bouger le moindre petit  doigt. Et si on le bouge, c’est pour taper sur les touches de notre clavier pour accuser à tort et souvent à raison des politiques qui ne feraient aucun effort pour la jeunesse. D’ailleurs, de nos jours en Afrique, et plus particulièrement au Mali, s’il y a un terme qui est galvaudé, vidé de toute sa substance, c’est bien le mot « activiste » .

Rien qu’en défilant mon fil d’actualité sur les réseaux sociaux,  j’en découvre un nouveau tous les jours.

Longtemps je m’étais aussi défini comme « activiste« . D’ailleurs, depuis 2012 et pendant les heures chaudes de la crise que le Mali a connu, je me suis engagé dans la plupart des initiatives pour sensibiliser au vivre-ensemble et à la tolérance. Je travaillais aussi pour dénoncer certaines situations ambiguës, quand je n’utilisais pas mon blog pour dénoncer la mal gouvernance, le chômage des jeunes, la condition des femmes…

Lors d’une manifestation pour le retour de la paix et de la sécurité au Mali en 2015

D’ailleurs, cet engagement, je le revendique et je continuerai sur cette même lancé . Cependant,  je préfère désormais me définir comme un “citoyen engagé” , que d’être confondu avec ces « activistes » de type nouveau qui induisent leurs « suiveurs » en erreur.

Il est bien de dénoncer,  de revendiquer, mais pour cela, il faut être informé,  formé, avoir l’esprit critique et NON  l’esprit de critique, avoir une moralité irréprochable afin de ne pas pervertir la lutte pour laquelle l’on s’est engagé. Mais hélas, c’est pas ce que nous voyons de nos jours …

À mes contemporains , à cette jeunesse si magnifique qui aujourd’hui semble désespérée et prompte à suivre n’importe quel charlatan se faisant passer pour un défenseur de leur cause, laissez moi vous dire que tout ce qui brille n’est pas de l’Or. Ne suivez pas avant de comprendre le pourquoi et le comment. Ne laissez pas certains, se faire une place au soleil en profitant de vos malheurs. Mieux, arrêtez de les suivre et utilisez vos datas internet pour vous FORMER !

FORMEZ-VOUS !

Les étudiants de l’Université SENGHOR à Alexandrie lors de la rentrée solennelle/ octobre 2017

On me dira que le système éducatif est mauvais, que les bourses sont données qu’aux enfants de riches. C’est un fait, mais dans le monde qui est nôtre, il existe une multitude d’opportunités de formation qui peuvent vous permettre de contourner ces difficultés grâce à l’essor du numérique. Fouillez, bêchez internet, soyez à l’affût de toutes les opportunités d’études, d’ateliers internationaux, de MOOC, de programmes de bourse, soyez membres de réseaux à l’international, faites tout ce que vous pouvez mais FORMEZ-VOUS!

Je vous promets que les enjeux ne se limitent plus aux frontières d’un seul pays. Dans cette mondialisation fulgurante, nous nous devons d’être compétitifs. Nous ne le serons jamais en suivant seulement un quelconque Malcolm X des réseaux sociaux, mais plutôt en nous FORMANT .

« Un vieillard en Afrique, c’est celui qui a la connaissance. C’est pourquoi on dit chez nous qu’il y a des vieillards de 17, 18 ans et des jeunes de 70 ans ». Amadou Hampâthé Bâ

Refusons donc  d’être ces vieillards de 17, 18 ans en donnant à cette citation tout son sens. FORMONS-NOUS!


Je viens de lire le livre de Mamadou Igor Diarra, « C’est possible au Mali »

Je viens de terminer la lecture de mon premier livre de l’année 2018. Depuis quelques jours un livre fait le buzz au Mali, au point qu’il y a rupture de stock dans les librairies de Bamako.Ce succès étonne quand on sait que nous lisons généralement peu. Qu’est ce qui explique ce soudain engouement des maliens pour la lecture ? Effet de mode, couverture incitative, titre accrocheur ou  campagne réussie ?

J’ai donc parcouru le livre autobiographique de Mamadou Igor Diarra, intitulé C’est possible au Mali paru chez l’éditeur cherche midi. Une fois ouvert, il est difficile de s’arrêter, on veut tout de suite dévorer les 192 pages de ce livre tant le style est empreint à la fois de clarté et d’émotions. L’auteur se livre, parle de lui sans faux-fuyant, assume ses choix. Rarement on a vu un haut responsable malien lever tant de voiles sur sa vie, son parcours et son expériences dans la gestion des affaires étatiques.

Je crois que ce livre doit être lu et relu non seulement parce qu’il lève le voile sur certaines pratiques qui expliquent le pilotage à vu auquel nous assistons dans la gestion du pays, mais aussi parce qu’il contient de quoi motiver plus d’un jeune au sérieux, à l’abnégation dans les études et dans la vie professionnelle.

Né en Ukraine, d’une mère Ukrainienne et d’un père malien, Mamadou Igor Diarra découvre le Mali en 1974, à l’âge de 9 ans.

L’enthousiasme de connaître le pays de son père – ainsi que la chaleur humaine dont les maliens ont le secret – fera vite place à la dure réalité du bouleversement climatique et alimentaire auquel il fera face.

Une éducation imprégnée des valeurs maliennes d’antan

À Markala, dans le centre du Mali, le jeune  » Ukrainien »  apprend  à manier la daba, à monter sur l’âne, à manger le « Tô »(*) et à boire la bouillie de mille. Dans ce livre, Igor revient sur une caractéristique qui faisait la particularité de l’éducation au Mali et qui a contribué à faire de lui l’homme qu’il est devenu :

« le sérieux et la discipline était la marque de mon éducation (…) tous les adultes du quartier veillaient sur notre bonne tenue (…) ils nous enseignaient et dans le même temps nous éduquaient » [P26]

Brillant élève, Mamadou Igor Diarra décroche, après le baccalauréat, une bourse pour la très sélective école des Hautes Études Commerciales (HEC) à Liège, en Belgique. Dans cette école, Igor se voit transformé en  « bûcheur forcené», obligé de bosser des heures afin de relever le défi et rendre ainsi honneur à son pays. Après l’obtention du précieux sésame, alors qu’il n’a que 26 ans, l’homme revient au Mali dans les années 90 et entame une carrière dans le secteur bancaire, en passant par la case chômage.

Début d’une carrière bancaire

Il dépose alors ses bagages à la Banque de Développement du Mali (BDM SA). Face à des collaborateurs jaloux de leur droit d’aînesse, Igor fera preuve de tact afin d’imposer sa marque et dans le but de prouver à ses supérieurs tout ce qu’il vaut. Cela lui vaudra d’être nommé représentant de la banque à Paris en 1993, avant d’être remercié  « brutalement » en 1997, alors qu’il avait enchaîné des succès. On lui attribuait, à tort, l’intention de vouloir profiter de sa proximité avec des clients potentiels pour renforcer un parti politique naissant… De cet épisode, notre auteur dira retenir deux leçons :

« la réussite par le travail est souvent vécue comme une menace par ceux à qui la routine suffit. Et l’indifférence est la meilleure réponse à ces petites tempêtes.»[P38]

De retour à Bamako, muté au service de la Direction des Ressources Humaines, Igor Diarra erre dans les couloirs de la banque, sans bureau ni dossier à traiter. Au lieu de se laisser aller par le découragement, il va se consacrer à la rédaction d’un plan stratégique de développement de la banque.

« Ce travail solitaire finit par convaincre et fit apparaître à une partie de la hiérarchie l’absurdité de mon isolement forcé  » [p40]

Il est alors nommé Directeur du réseau des agences, une autre expérience couronnée de succès. En 2005, il se voit confier la mission de création d’une nouvelle banque en Guinée-Bissau, un pays qui venait à peine de quitter la guerre et qui ne comptait alors qu’une seule banque.

En 2006 la carrière de notre banquier connaît un nouveau tournant. Il est appelé par le président malien, Amadou Toumani Touré, pour venir redresser la Banque Internationale pour le Mali (BIM), deuxième banque du pays.

« Le message téléphonique du président fut bref, concis, clair et sans appel : « Madou, viens me redresser cette banque rapidement. Bon courage. » [P44].

Monsieur le ministre

À travers C’est possible au Mali,  nous pouvons constater que la carrière de Mamadou Igor Diarra n’a pas été un long fleuve tranquille. Mais, à chaque fois, il a su rebondir et tirer son épingle du jeu. Le travail bien fait payant toujours, l’homme deviendra par deux fois ministre, sous deux gouvernements différents.
D’abord ministre de l’Énergie, des Mines et de l’eau de 2008 à 2011, dans le gouvernement de Modibe Sidibé sous la présidence d’Amadou Toumani Touré. Puis ministre de l’Economie et des Finances en 2015 dans le gouvernement de Modibo Keita, sous la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta, l’actuel président du Mali. Autre président, autre coup de téléphone :

« C’était un vendredi,  la sonnerie de mon téléphone avait retenti, il était 14 heures et je prenais le thé avec ma mère. Cet appel-là restera lui aussi, à tout jamais, gravé dans ma mémoire.
-Fiston, c’est le président IBK, ton tonton.
-Bonjour monsieur le président.
-Voilà ! Je voudrais te nommer ministre de l’Économie et des Finances dans le gouvernement que nous sommes sur le point de finaliser. J’ai besoin de toi, mon fils. Il s’agit d’une mission pour sauver le Mali.

Ma perplexité, devant une telle proposition,  me fit marquer une pause (…) Je lui indiquais que ma situation actuelle était très confortable, que je jouissais d’avantages rares et surtout que je m’étais engagé, comme c’est le cas avec tous les groupes bancaires internationaux, à ne pas faire de politique.

Le président se montra surpris, presque fâché, manifestant même le désir de raccrocher :
-C’est bon ! C’est bon ! J’ai compris. Je t’ai demandé de venir m’aider à sauver le Mali et toi tu me parles de ton groupe bancaire. Merci !
-Tonton, là, j’échangeais avec un père, pas avec le président de la République. Je n’ai pas dit non. Je voudrais seulement que vous m’accordiez un moment de réflexion et d’échanges avec ceux avec qui je viens de contracter.
-D’accord, je te laisse trente minutes !
Il avait raccroché brusquement, me laissant totalement abasourdi !  » [P85]

Si son premier passage à la tête d’un ministère, en 2011, s’est plus ou moins bien terminé, on ne peut pas en dire autant pour le second. Après des résultats positifs et des encouragements au niveau international alors qu’il travaillait dans le gouvernement de Modibo Keita, Mamadou Igor Diarra se voit proposer une nouvelle fonction, celle de ministre du Développement industriel (en lieu et place de celui de l’Économie et des Finances),mais il refusera cette nouvelle proposition. Il faut dire que les mesures drastiques qu’il avait prises pour redresser l’économie d’un pays désormais en guerre n’ont pas été appréciées par certains collègues. L’auteur ne manque pas de mettre en lumière bon nombre de mauvaises pratiques qui plombent l’économie du pays.  

« J’ai étudié les dossiers (…) On y découvre tellement d’aberrations et d’incohérences qu’il y a lieu de se demander si, pour un pays pauvre, nous sommes sur la bonne voie „ [P90]

Ainsi, on découvre, toujours à la page 90 que :

« l’État et ses démembrements dépensent 15 à  20 milliards de francs en carburant et frais de déplacement, de quoi faire plusieurs fois le tour du monde  »

L’espoir d’un Mali meilleur

Face à toutes ces révélations, on serait tenté d’être pessimiste quant à l’avenir du Mali, mais ce n’est pas l’état d’esprit de l’auteur. Ce qui est intéressant dans cet ouvrage, c’est que, dans la dernière partie du livre, Mamadou Igor Diarra évoque l’Histoire du Mali, sa propre éducation, son expérience de banquier, mais aussi celle d’hommes d’État ;  il évoque donc toutes ses expériences, à la fois personnelles et professionnelles, pour faire des propositions concrètes, afin de sortir le Mali du précipice. Au final il lance un appel à la jeunesse qu’il pense salutaire pour le pays. Il préconise ainsi d’écouter la jeunesse et de prendre ses aspirations en compte.

« Il faut agir pour notre jeunesse, en commençant par lui garantir le pouvoir de faire face à ses besoins immédiats, tout en anticipant ses attentes. Le seul besoin d’un enfant, n’est pas d’aller à l’école, un jeune doit pouvoir s’épanouir, s’ouvrir sur le monde (…) P160-161.

(*) To : pâte à base de farine de mil


Oui, on peut dompter le désert

Dompter le désert,  est-ce possible ? Les plus sceptiques me diront non mais ceux qui ont fait l’axe Alexandrie-Caire en Égypte diront tout le contraire.

Ce ma​tin j’ai refait le trajet Alexandrie-Caire. C’est la deuxième fois que j’emprunte cette route depuis mon arrivée en Égypte , il y a un peu plus d’une semaine. 

Moi, au départ pour le Caire
Dimanche, 24septembre 2017.

À chaque fois que je me suis retrouvé sur cet axe routier,  je n’ai cessé de penser à la route Mopti-Tombouctou.

Je ne connais pas trop la géographie de l’Égypte,  mais un coup d’oeil suffit pour constater que nous sommes en plein désert,  bien que les infrastructures peuvent nous faire penser autrement.

En 2015,  avec des amis,  nous avons embarqué pour une aventure à Tombouctou à bord de véhicules 4×4. Le voyage était  fabuleux,  je découvrais pour la première fois, la cité mystérieuse.  Mais malheureusement,  ce fut un voyage périlleux.

L’état de la route était défectueux,  que dis-je,  il n’y avait pas de route.

Une fois la localité de  Douentza,  traversée,  nous avons commencé, une lutte sans merci avec le sable qui s’était juré de nous maintenant là contre vents et marrées.

Avec des amis en train de défoncer notre véhicule englué dans le sable sur la route de Tombouctou en 2015

Pour échapper à cette furie  du désert saharien ,  nous avons,  dû parfois, retrousser nos manches pour défoncer les roues de  nos robustes véhicules   4×4 pourtant réputés être adaptés à de telles situations.

À l’époque,  je me souviens avoir laissé entendre que même si l’État voulait construire des routes dans cette zone,  ça sera peine perdue car le Sahara l’engloutirait.

Un échangeur sur l’autoroute reliant le Caire à Alexandrie

Aujourd’hui, avec ce que je vois entre le Caire et Alexandrie : le sable déblayé pour construire une autoroute, deux fois, quatre voies avec une passerelle à côté pour les gros porteurs. De l’eau drainée pour arroser au bords de l’autoroute,  les vastes champs de blé… Je me dis, en réalité au Mali,  les autorités manquent soit de volontés pour en faire pareil entre Mopti  et Tombouctou  voir Kidal ,  soit elles n’ont aucune notion de la planification. Alors que gouverner,  c’est prévoir.

J’en vois déjà dire que comparaison n’est pas raison.  À ceux là je veux répondre qu’après  57 ans d’indépendance,  on ne peut plus continuer à vivre comme dans l’antiquité.

C’est l’enfant qui n’a jamais mangé chez sa voisine qui croit que sa mère est là meilleure cuisinière au  monde…


Le Mali, 57 ans d’indépendance ou de dépendance ?

Le Mali célèbre aujourd’hui les 57 ans de son indépendance. Si pendant longtemps, cette journée a été célébrée avec faste, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer la dépendance.

Modibo KEITA, premier président du Mali en défile devant les troupes de l’armée le 20 janvier 1961 ©crédit : maliweb.net

 

Ne serait-ce que pour rendre hommage à toutes ces personnes qui se sont battues corps et âme pour que le Soudan Français devienne la République du Mali, nous nous devons de célébrer cette journée. Célébrer pour moi ne veut pas dire danser, chanter, défiler, manger ou s’auto-satisfaire avec des légendes (du passé), mais faire une rétrospection.

Bilan de l’indépendance 

En 1960, les cœurs vibraient de confiance et les champs fleurissaient d’expérience, aujourd’hui, 57 ans après, pouvons-nous en dire autant ?

La souveraineté est depuis 2012 mise en branle, l’éthique et l’intégrité chez nos hommes politiques une utopie, l’éducation nationale a foutu le camp, l’éducation familiale s’est autant détériorée, l’accès aux services de base est pour beaucoup de maliens un mirage.

La jeunesse, ma génération, parfois complexée, désorientée, non seulement par les politiques, mais surtout par elle-même.

La « sorcellerie moderne » étant aussi liée au fait qu’après que tes parents aient investi dans ta formation depuis le bas âge, tu ne sois pas capable, après obtention au minimum d’une licence, de faire ta libre opinion sur des questions essentielles et de te laisser guider par des « Guides » de seconde zone.

Les 57 ans d’indépendance devaient aussi être le symbole de la maturité de la jeunesse, mais hélas, beaucoup restent à la traîne…

Restons optimistes 

Je ne veux pas être rabat-joie, car au-delà de ces constats, l’optimisme reste de mise. Pourquoi ne pas l’être, avec toutes ces potentialités que nous avons ?

La culture malienne rayonne comme jamais.

Certains jeunes comprennent de plus en plus que le Salut ne viendra pas des politiques.

D’autres jeunes pour changer la donne sont devenus des sentinelles de la bonne gouvernance…

Oui, le rêve est permis ! Je célèbre donc cette journée en rêvant de pouvoir véritablement la célébrer un jour !


Mali : le numérique, l’espoir pour la mise en oeuvre d’un contrôle citoyen efficace ?

Ayant passé plus de 23 ans sous le joug militaire, l’insurrection populaire de mars 1991 devait être l’ère d’une nouvelle forme de gouvernance au Mali. Tout portait à croire que la redevabilité et le contrôle citoyen auraient tous leur sens. Mais hélas, l’espoir né, va se muer en désespoir. Au fil des années, cette société civile va se vider de sa quintessence au profit de l’État qui se débarrasse ainsi d’un contrôle bien embarrassant. Cependant depuis le coup d’état de 2012, certaines revendications montrent une prise de conscience des populations. Elles exigent de plus en plus, leur implication dans les prises et exécutions de décisions les concernant. Est-ce là, le début de l’institution d’un véritable contrôle de l’action publique ?

 

Des médias traditionnels au numérique, l’espoir ?

Bien qu’avec l’ouverture démocratique de 1991, on ait assisté à une floraison de médias, ces instruments qui devaient aider à asseoir une veille citoyenne efficace n’ont pas véritablement répondu à l’attente. Les 500 radios Fm et les 120 journaux écrits (Baromètres des Médias Africains) n’ont pas pu apporter un changement notable dans la gestion du pouvoir. Cependant, avec l’ère du numérique, une nouvelle tendance est en train de naitre. Sur les réseaux sociaux on assiste de plus en plus à une certaine veille citoyenne. Des campagnes sont organisées à partir de ces nouveaux médias qui souvent aboutissent sur des actions de terrains. A titre illustratif, nous avons la plateforme Malilink qui depuis quelques temps fait un travail de veille assez remarquable. Nous avons aussi Benkansenben une application mobile de type Androïde développée par la Fondation Tuwindi pour permettre aux populations de suivre la mise en œuvre de l’accord de paix. Dans la veille citoyenne au Mali,  les réseaux sociaux aujourd’hui occupent une place de choix. Toutes les actions gouvernementales sont passées au peigne fin. 

Affiche de comptage des déplacements du président à l’extérieur du Mali par https://malilink.net/

Des nombreux déplacements du président souvent jugés inutiles au cas de rackets des policiers,  les maliens ont trouvé un espace nouveau d’expression qui échappe à tout contrôle de l’État. On assiste de plus en plus à une floraison de blogueurs,  de youtubeurs et d’influenceurs qui assurent la veille et lancent des alertes,  souvent sur des problèmes de gouvernance ou souvent pour juste apporter de l’assistance à des personnes démunies où en danger. C’est le cas de l’association Kisal, une association de la jeunesse peulh. À travers sa page Facebook,  Kisal alerte sur les cas de violation des droits humains dans la région de Mopti qui est en proie à des conflits communautaires.

Pour mieux cerner le retard dans la mise en place  de ce  contrôle citoyen qui pourtant avait été bien  amorcé, revenons sur le processus démocratique au Mali.

Confusion  société civile et pouvoir

image archive des manifestants en mars 1991/ Crédit: MaliActu/https://maliactu.net/wp-content/uploads/2016/03/26-mars.jpg

Après l’avènement de la démocratie, les organisations de la Société Civile qui avaient fonctionné comme un véritable contre-pouvoir, vont se transformer en partis politiques. Ainsi, les associations telles que le Comité National d’Initiative Démocratique(CNID) et l’Association pour la Démocratie au Mali (ADEMA) vont devenir des partis politiques. Les leaders des autres mouvements notamment l’Association des Élèves et Étudiants du Mali vont pour la plupart se fondre dans l’appareil Étatique. Ces organisations qui ont pourtant été les fers de lance de la chute du régime Moussa Traoré, auraient pu être les bases d’une société civile forte. Cette société civile qui devait servir de contre-pouvoir afin d’inciter l’État à instaurer une bonne gouvernance sera donc affaiblir. Si pendant la présidence d’Alpha Oumar Konaré (1992 à 2002), on a assisté à une multiplication des associations, force est de reconnaitre que ces organisations étaient peu structurées pour mener un contrôle efficace de l’action gouvernementale. L’arrivée au pouvoir d’Amadou Toumani Touré (ATT) en 2002, n’arrangera rien à cette situation. Pire, avec le sensualisme instauré à cette époque, il était difficile de distinguer le pouvoir de la société Civile. L’imbrication entre les syndicats, la presse, les associations et l’État avait atteint un tel niveau que l’émergence d’un contrôle citoyen était devenu impossible. Ces groupes étaient devenus pour la plupart dépendants du pouvoir. L’Association des Élèves et Étudiants du Mali(AEEM) et Le Conseil National de la Jeunesse(CNJ) devient ainsi, des instruments au service du pouvoir. Des organisations de la société civile sont créées à la solde du dirigeants politiques. Ce manque d’intérêt de la population pour la chose publique entrainera une corruption généralisée, une mauvaise gouvernance qui conduira à l’effondrement de l’État en 2012.
Avec une rébellion au nord et après un coup d’État au sud, un fort engouement des populations pour la chose publique sera perceptible lors des élections de 2013. De mémoire de maliens, on n’avait pas vu un taux de participations aussi élevé. Plus de 45% de maliens prendront part à cette élection. Ibrahim Boubacar Keita sera plébiscité avec de 77%. Mais très vite, on se rendra compte que l’un des problèmes majeurs de la société civile est sa capacité à analyser les décisions politiques, les programmes de gouvernement…
De 2013 à nos jours le Mali n’a pas connu d’améliorations notables en ce qui concerne sa gouvernance. Des cas de mauvaises gestions des fonds publiques sont relatés régulièrement par la presse. Le front social est en ébullition mais la réaction de la société civile « traditionnelle »  est restée  timide .

Le contrôle religieux

Le president du Haut Conseil Islamique du Mali lors d’un meeting organisé au stade du 26 mars de Bamako . Crédit : aBamako / https://news.abamako.com/p/2269.html

Le vide laissé par la société civile en matière de contrôle de l’action gouvernementale sera occupé partiellement par les leaders religieux à leur avantage. En effet si la société civile n’arrive pas à peser dans les choix et décisions politiques, les leaders religieux y parviennent. On assiste même à une montée en puissance du lobby religieux. Déjà en 2009, ils donnaient un signal fort en faisant reculer l’État sur son projet de code des personnes et de la famille. Depuis cette date, ils n’hésitent pas à chaque fois qu’ils ne sont pas d’accords avec des  décisions gouvernementales de peser de tout leur poids pour faire échec.

Désormais sur les réseaux sociaux,  les initiatives se multiplient mais pouvons-nous pour autant espérer un véritable décollage du contrôle citoyen au Mali?  

L’avenir nous le dira .

 


Réseaux sociaux : ces “drogués” qui gênent. 

Avec l’essor des réseaux sociaux, force est de reconnaître que l’information s’est démocratisée. Il n’est plus possible de censurer une information en fermant ou en mettant pression sur les chaînes de télévisions, les radios et les  journaux.

Aujourd’hui, Facebook, Twitter, Youtube sont devenus des canaux de communication à part entière. Ils sont en passe de rivaliser avec les médias traditionnels. Désormais, on les  utilise comme moyen d’expression  pour dénoncer la mal gouvernance et les pratiques peu orthodoxes des gouvernants .

faciles  d’accès, ces nouveaux médias échappent souvent au contrôle de l’État . Ayant du mal à s’accommoder avec cette évolution majeure, nos dirigeants ont  tendance à   censurer internet ou à employer toutes sortes de superlatifs péjoratifs parfois grossiers pour qualifier les web-activistes .

L’avènement de la censure  

Le 17 août 2016, suite à une manifestation pour exiger la libération d’un animateur de radio controversé, critique envers le pouvoir, le Mali connaissait sa toute première suspension des réseaux sociaux. L’animateur Ras Bath, avait à la veille de sa comparution, appelé  à la mobilisation sur Facebook. Minimisant les conséquences d’une telle action, les autorités ont été surprises par l’ampleur de la mobilisation. Une foule déchaînée tente alors d’accéder de force au tribunal pour empêcher le procès. Un affrontement éclate  entre la foule et la police  causant au moins un mort. Pris de panique, le soir, les autorités suspendent  les réseaux sociaux. Une première ! Ce qui n’empêchera pas les utilisateurs de se reconnecter en utilisant des applications libres (Snap VPN, ORBOT…). Des haschtags (#MaliOffline…) sont alors créés pour dénoncer cette censure.

Sommet Afrique France, ‘’Trop sérieux’’ pour impliquer les blogueurs

La méconnaissance du pouvoir des médias sociaux par les autorités maliennes s’est encore manifestée lors du Sommet Afrique-France tenu le mois dernier .

En effet à la veille de ce rendez-vous, un membre de la sous commission communication avait laissé entendre que le sommet était ‘’trop sérieux ‘’pour impliquer les blogueurs. Mais ce qu’il oubliait, c’est que le Mali compte, selon les statistiques 2016 du Internet World Stats, plus de 2 millions d’utilisateurs d’Internet.  Parmi eux,  plus de 1 million se connectent sur Facebook.

Chaque utilisateur  de ce réseau social constitue un canal de transmission d’informations auprès de ses proches, ce qui crée une audience non négligeable. Donc au même titre que les journalistes, les blogueurs avaient un rôle assez important à jouer. Ils  pouvaient  transmettre en temps réel l’information et faire des billets sur leurs blogs.

Sur la toile, peu d’informations concrètes ont  circulé sur le déroulement du sommet. À lire les publications,  beaucoup de maliens le trouvaient  inutile. D’ailleurs, les réactions sur les réseaux sociaux, portaient généralement sur les désagréments causés et les couacs dans l’organisation (les embouteillages, les problèmes d’accréditations, les pancartes avec des noms de président écorchés…). Tout cela a fini par créer un ‘’bad buzz’’  autour de ce sommet.

Les web-activistes traités de tous les noms

A chaque fois que des critiques sont émises  sur  leur gestion du pays, les dirigeants  ne manquent pas d’imagination pour  trouver des termes inappropriés pour qualifier leurs détracteurs.  Vu que, sur les médias publics, une forme de censure existe, les débats sur la gouvernance se font généralement sur les réseaux sociaux. Ce qui fait que leurs utilisateurs ne sont pas épargnés.

Si au départ le terme fréquemment usité  était  ‘’Fassodewn Jugu’’ autrement dit, les ennemis de la nation, aujourd’hui, le lexique s’est enrichi. À tel point qu’il est difficile d’envisager un débat contradictoire sain, équilibré, empreint de respect et de courtoisie.

En août  2014, à travers  un tweet, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, avait  traité   d’  ‘’Aigris ‘’ ceux qui demandaient  des comptes sur l’acquisition d’un nouvel avion présidentiel. L’achat de cet avion selon  la presse avait été entaché d’irrégularité.

Cette attitude du ministre Mahamadou Camara avait soulevé un tollé sur le net avec le haschtag  #TeamAigri.

Qui pouvais alors croire que deux ans après ce forfait,  son prédécesseur  allait commettre la même erreur? En effet, à la suite d’une polémique sur une prétendue signature d’un accord de réadmission des migrants maliens, Mountaga Tall qualifiait la réaction des internautes de ‘’débats de caniveau’’.

La colère des internautes avec le hashtag #DébatDeCaniveau ne s’était pas faite attendre.

Le ministre Mountaga Tall, finira alors par s’expliquer à travers un tweet.

 

Aujourd’hui, des ‘’Drogués’’

N’ayant toujours pas tiré les leçons du passé, le mépris des dirigeants envers les acteurs du web continue. Cela a  atteint son paroxysme la semaine dernière. En effet, lors  d’un sit-in organisé par une association de secrétaires, le  1er vice-président de l’Assemblée Nationale s’en est pris vertement aux web-activistes. Cette association était venue apporter son soutien au président de l’Assemblée Nationale. Selon le journal “Le Figaro  du Mali” , ce dernier aurait été surpris avec une secrétaire  dans son bureau en situation compromettante. Comme une traînée de poudre cette information a parcouru la capitale. Depuis, la polémique s’est emparée des réseaux sociaux, et tout le monde y allait de son commentaire.

C’est cette situation qui a fini par faire dire à le vice-président de l’institution:

‘’On a assez de ces drogués cachés derrière les réseaux sociaux’’.


Il n’en fallait pas moins pour assister à une levée de bouclier des web activistes. Depuis ce dimanche 19 février, les publications accompagnées du hashtag ‘’#Timbinerie’’ et ‘’#LesDrogués ne cessent d’inonder la toile malienne. Les internautes sont cette fois-ci décidés à se faire respecter en exigeants des dirigeants un minimum de considération.

C’est vrai que certains comportements sur les réseaux sociaux s’écartent de tout bon sens. Il  est aussi vrai que  la violence verbale a tendance à y être banalisée. Mais, il faut aussi reconnaître que certains propos ne doivent pas être prononcés par un responsable qui plus est vice président de l’Assemblée Nationale.

Au lieu de continuer à ne voir que le diable sur les réseaux sociaux, nos hommes politiques gagneraient mieux à s’y investir.  Désormais,  ils doivent les  intégrer dans leur stratégie de communication. Ailleurs ça réussi bien, pourquoi pas au Mali ?


Quel rôle joue la jeunesse pour le renouveau de l’Afrique ?

Depuis quelques années, un vent de renouveau souffle sur l’Afrique grâce au dynamisme de sa jeunesse

Si dans la partie nord du continent ce vent de renouveau s’est manifesté par les printemps Arabes qui ont entraîné la chute de plusieurs dictateurs ( le Tunisien Ben Ali, l’Egyptien Hosni Mubarak et le Lybien Mouammar Al Kadafi), on peut dire que sur l’ensemble du continent, on assiste de plus en plus à une  prise de conscience de la jeunesse africaine quant au rôle qu’elle doit jouer pour mettre l’Afrique sur les rails de la démocratie et du développement. Il n’est plus rare de rencontrer, en Afrique, des jeunes décomplexés qui prennent toute la part qui leur revient de droit dans la conversation mondiale, que ce soit à travers l’entrepreneuriat, la culture, le sport ou encore par le biais de mouvements exigeant redevabilité de la part des gouvernants. De « Y-en-a-marre » au Sénégal, en passant par le balai Citoyen au Burkina Faso et Filimbi au Congo, les jeunes africains sont désormais décidés à jouer un rôle prépondérant dans le renouveau. Ils entendent ainsi être moteurs de cette nouvelle Afrique qui, désormais, se présente fièrement comme fer de lance du monde.

Mais comment cette jeunesse contribue-t-elle au renouveau du continent ? Cette implication des jeunes conduira-t-elle le continent vers le développement tant attendu ?

Une société civile jeune de plus en plus forte

Le renouveau en Afrique passe nécessairement par la jeunesse qui selon des statistiques de la Banque mondiale constitue environ 60 % de la population. Longtemps instrumentalisée et marginalisée, cette jeunesse s’exprime désormais et s’organise pour faire respecter sa volonté et rétablir un nouvel ordre. Elle ne jure plus que par le respect des règles du jeu démocratique dans lequel elle voit une source de stabilité et d’opportunités de création d’emplois. Pour avoir plus d’impact, les jeunes s’organisent selon les pays à travers des mouvements de revendication qui dans certains pays ont pu conduire à la chute de dictateurs. Qui ne se rappelle pas de la chute surprise en janvier 2011 du président Tunisien Zine El-Abidine Ben Ali à la suite de soulèvement d’abord des jeunes pour rendre justice au vendeur ambulant Mouhamed Bouazizi. Comme une traînée de poudre, le même mouvement se reproduisait en Egypte et en Lybie avant d’atteindre d’autres pays arabe. Le mouvement est alors appelé ‘’ Printemps Arabe ‘’.

A l’ouest du continent, au Sénégal, c’est le mouvement « Y-en-a-marre », né en 2011 composé de journalistes et d’artistes , qui engage la lutte, au départ contre les coupures intempestives de courant et après pour inciter les sénégalais à participer massivement aux élections  pour renouveler le personnel politique, lutter contre la corruption et promouvoir le civisme.

Au Burkina Faso, les jeunes s’organisent et portent sur les fonts baptismaux en 2013 ‘’le Balai Citoyen’’. Le mouvement finira par balayer un 31 octobre 2016 Blaise Compaore après 27 ans de règne sans partage.

Le retour des jeunes cadres de la diaspora   

Depuis quelques années, nous assistons au retour de nombreux jeunes cadres de la diaspora africaine. Si avant, ils étaient nombreux à choisir de rester en Europe ou aux Etats-Unis après leurs  études, aujourd’hui, la donne a changé. De plus en plus de jeunes font le choix de revenir afin de saisir les opportunités qu’offrent désormais le continent. Se faisant avec l’expérience acquise en occident, ils viennent jouer un rôle important dans le processus de développement du continent. De Bamako à Dakar en passant par Abidjan, les jeunes entreprises des cadres de la diaspora prospèrent et sont citées en exemple. 

L’entrepreneuriat comme rempart contre le chômage 

La jeunesse africaine a compris que son salut ne viendra plus de la fonction publique. Elle ne jure plus que par l’entrepreneuriat. Pour cela, les jeunes sont prêts à parcourir le monde pour faire prospérer leurs entreprises. Les jeunes n’hésitent plus à tirer profit des opportunités qu’offrent le numérique pour innover et proposer des solutions nouvelles aux populations. C’est le cas de Cheikh Diagana, CEO fondateur de l’entreprise de communication digitale ‘’Cat Digitale’’ qui a d’ailleurs quitté amis et famille pour s’installer à Bamako afin d’y proposer ses services.

Cheikh Diagana et un de ses clients à son bureau /Jeunesse

A l’incubateur CREATEAM sis, à Badalabougou (Bamako) où nous lui avons rendu visite, Cheikh ne cesse d’enchaîner les rendez-vous. Quand on lui pose la question de savoir, comment la jeunesse africaine contribue au renouveau du continent, sa réponse est on ne peut plus claire :

‘’Contrairement à ce que beaucoup pensent, la plus grande richesse de l’Afrique, c’est sa jeunesse.

Elle est souvent taxée des pires superlatifs : nulle, immature j’en passe.

Mais faisons un voyage dans le temps, cette jeunesse d’aujourd’hui a tiré un trait sur les problèmes des anciens. Elle a brisé les frontières. Elle est connectée, elle vote, elle voyage et est très curieuse, mais surtout elle a changé d’attitude: elle rêve.

Nous assistons à ce que j’appelle la connexion des grands esprits, en effet la jeunesse africaine crée son entreprise, elle exige des Etats un environnement sain pour faire des affaires.

Le discours a changé, nous ne courons plus derrière la fonction publique, nous créons des emplois ! 

Par ailleurs elle n’est pas parfaite cette jeunesse, il faut la polir. Elle doit se former davantage, elle doit créer des communautés fortes et organisées dans tous les secteurs d’activités. Elle doit se soutenir et être empathique. Elle doit s’engager dans le social, la politique (la politique saine et vertueuse), investir dans l’agriculture, l’élevage et le numérique. Cette jeunesse-là aura de la voix et s’offrira des lendemains meilleurs. ‘’