Démocratie à la sauce malienne

Article : Démocratie à la sauce malienne
Crédit:
21 mai 2016

Démocratie à la sauce malienne

 

Indépendant depuis le 22 septembre 1960, il aura fallu plus de 30 ans  pour que le Mali adopte « la démocratie » comme système politique.

Place de l'indépendance à Bamako
Place de l’indépendance à Bamako

Acquise au prix du sang versés par les martyrs du 26 Mars 1991, cette jeune  démocratie a pu réaliser de nombreux progrès  au point d’être considérée par bon nombre d’observateurs comme une référence sur le continent  jusqu’en 2012 où

un coup d’état viendra ébranler le processus démocratique.

Après le retour à l’ordre constitutionnel et l’élection d’un nouveau président en 2013, le pays essaie tant bien que mal de renouer avec les principes démocratiques.

Cependant, les défis demeurent nombreux et beaucoup de voix s’élèvent pour dénoncer la conception malienne de la démocratie d’avant le coup d’état qui était basée sur le consensualisme.

Ainsi, vu tout le débat que cela suscite, nous sommes tentés de faire un bilan de la mise en œuvre de la  démocratie au Mali, pays qui vient juste de célébrer ses cinquante cinq ans d’indépendance.

En d’autres termes, cinquante cinq après les indépendances, le Mali s’est-il approprié de la démocratie?

La réponse à cette  interrogation nous emmènera à aborder les acquis réalisés par le pays en matière de démocratie depuis son accession à l’indépendance et les défis que le pays doit relever pour réussir son processus démocratique.

Si pendant  les trente premières années de son indépendance le Mali n’a pas connu de véritable démocratie, période dominée par le parti unique US –RDA sous Modibo Kéita premier président du Mali, puis par une interdiction des partis politiques sous le régime militaire de Moussa Traoré après le coup d’état du 19 novembre 1968,  qui par la suite créera en 1976 le parti unique ‘’Union Démocratique du Peuple Malien’’ (UDPM) , le début des années 1990 marque l’avènement de la démocratie au Mali.

Monument dédié aux martyres du 26 Mars 1991
Monument dédié aux martyres du 26 Mars 1991

En effet, après environ 23 ans passés sous le joug du pouvoir militaire, le peuple malien se révolte contre la dictature et appelle à l’instauration de la démocratie, face au refus du pouvoir d’obéit à la volonté du peuple, une insurrection populaire prend forme, à la suite de laquelle, le président Moussa Traoré sera  déposé le 26 mars 1991 par des militaires avec en leur tête Amadou Toumani Touré, ceux-ci remettent aussitôt, après une transition d’un an environ, le pouvoir aux civils à travers l’organisation d’élection libre et transparente remportée par le professeur Alpha Oumar Konaré : c’est l’avènement de la démocratie.

Depuis cette date, si l’on s’en tient aux principes fondamentaux de la démocratie à savoir la liberté d’expression, la l’égalité, la justice, la liberté politique, la liberté de croyance, de culte…,  force est de reconnaitre que beaucoup d’efforts ont été fourni par le pays pour mieux s’approprier du concept de démocratie.

Ainsi, en matière de liberté politique et d’association, on a observé depuis 1991 une explosion du nombre de partis politiques qui était de  120 en 2009.

Par ailleurs, on a également assisté à l’organisation d’élections qualifiées par les observateurs tant nationaux qu’internationaux de libres et transparentes (l’alternance entre Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré et tout récemment l’avènement de Ibrahim Boubacar Kéita au pouvoir).

Passation de pouvoir entre le président sortant Alpha Oumar Konare et le président rentrant Amadou Toumani Toure en 2002
Passation de pouvoir entre le président sortant Alpha Oumar Konare et le président rentrant Amadou Toumani Toure en 2002

Quant à la liberté d’expression, les efforts consentis ont conduire à l’essor des médias (journaux et radios) offrant de ce fait une panoplie de canaux d’expression d’opinions sans risque d’oppression. Il existe au mali plus de 150 radios privées, associatives ou communautaires.

Cependant, si des progrès notables ont été réalisés par le Mali en matière d’appropriation de la démocratie comme système politique, beaucoup d’obstacles restent à surmonter.

En effet, la démocratie malienne à été qualifiée par certains observateurs à tort ou à raison de ‘’démocratie de façade’’. L’on serait tenté de donner raison à ces derniers  si l’on s’en tient à certaines dérives en cours dans le pays.

D’abord, notons que lors des élections très peu d’électeurs prennent part aux différents scrutins. Le taux de participation oscille entre  20 et 40%.

Ensuite, il n’est pas rare d’assister en période électorale à l’achat de voix d’électeurs moyennant la somme de 1000fr.

Par ailleurs, l’un  des obstacles majeurs du processus démocratique malien est la corruption qui gangrène toute la  société, du haut fonctionnaire au petit commis de bureau presque tout le monde s’y adonne, la pratique est assez courante et les scandales de détournements de deniers publics sont légions.

En outre, la mauvaise gouvernance a atteint son paroxysme durant cette dernière décennie, ce qui aura pour corollaire, la déliquescence de l’Etat  avec une justice en panne, une mauvaise redistribution des richesses nationales, l’absence de sécurité, ce qui entrainera dans le pays l’extrémisme violent et une rébellion.

Et  pour ne pas arranger cette situation déjà complexe, nous assisterons à l’intrusion des militaires dans le jeu politique avec le coup d’Etat  de 2012.

Lors d'une manifestation de l'opposition malienne pour dénoncer la mal gouvernance au Mali
Lors d’une manifestation de l’opposition malienne pour dénoncer la mal gouvernance au Mali

En définitive, retenons qu’en cinquante cinq(55) années d’indépendance dont près de vingt cinq(25)  années de pratique démocratique, des efforts remarquables ont été faits par le Mali pour s’approprier de la démocratie.

Toutefois, la jeune démocratie à connu des obstacles majeurs qui ne sont pas de nature à faciliter le processus démocratique.

De nombreux défis restent donc à relever afin de faire du pays un modèle démocratique et cela ne pourrait se faire sans la jeunesse qui constitue l’avenir du pays d’où l’importance et l’urgence de doter cette jeunesse d’outils nécessaires pour prendre la relève.

Mamadou Ben Moussa Coulibaly

Partagez

Commentaires